Le cancer est un tsunami. A son annonce, la vie du patient et de son entourage est chamboulée. Le patient se trouve dans un état de sidération avec milles pensées et émotions qui se bousculent. Puis très vite, tout se met en place. On se retrouve pris dans un flot d’informations et de termes nouveaux, médicaux pour la plupart. Le quotidien est chamboulé, on avance au jour le jour au rythme des rendez-vous médicaux, des chimios, des analyses et autres examens. Et dans cette période, ce n’est pas toujours évident de se projeter dans la vie après le cancer, quand la mer sera plus calme.
Puis un jour, ce que vous attendiez avec impatience est annoncée. Vous êtes en rémission. Vous avez réussi ! Les traitements s’achèvent et les rendez-vous médicaux quasi-quotidiens s’espacent de plus en plus pour ne devenir qu’un suivi régulier. Et comme la plupart des gens, vous pensiez que le moment de la rémission serait un soulagement et que vous reprendriez une vie normale en laissant derrière vous cette épreuve. Sauf que parfois, ce n’est pas si simple. La rémission n’est pas aussi libératrice que ce que l’on attendait. Pourquoi ? Parce que nous sommes pleins de contradictions et d’ambivalences. Parce que contrairement aux idées reçues, l’arrêt des traitements n’implique pas un retour à la normal immédiat et surtout il y a bien un avant et un après le cancer !
Et maintenant ?
Maintenant que la vie peut reprendre son cours, il est possible de se sentir un peu perdu, d’avoir l’impression d’avancer à tâtons. Surtout les premiers temps. Il faut d’abord réussir à sortir du statut de malade que l’on a porté durant des mois voire des années. Apprendre à faire sans les soignants et les médecins qui ont su guider et accompagner tout au long des traitements. En gros, on se retrouve seul face à sa vie qui continue autrement et on ne sait pas vraiment comment ou quoi faire.
A cela, s’ajoute des émotions en pagaille qui viennent troubler le retour au calme annoncé :
- La peur et l’inquiétude : L’angoisse d’une rechute ou que le corps « lâche » à nouveau, notamment lorsque apparait une douleur bénigne. On ne connait pas encore bien ses capacités. Mais également la peur du regard de l’autre, d’aller de l’avant, de reprendre le travail.
- La tristesse : Il faut faire le deuil de sa vie d’avant, d’une partie de son corps, de certains projets. Le corps et l’apparence ont changé, cicatrices, prise ou perte de poids, cheveux, cils et sourcils qui repoussent doucement, il faut réussir à composer avec ce nouveau « moi ».
- La colère : qui est tout-à-fait légitime. Pourquoi moi et pas quelqu’un d’autre ?
Parfois des effets secondaires restent un peu plus longtemps et mettent du temps à disparaitre, rappelant tous les jours ce que l’on a vécu.
C’est par exemple le cas de la fatigue qui ne disparait que progressivement une fois les traitements terminés : Il se peut en effet de se sentir encore fatigué ou plus vite qu’avant. Le corps n’est plus le même et il a encore besoin de récupérer de l’énergie tant physique que psychologique. Il faut laisser le temps à son corps de se remettre, qu’il reprenne son souffle après cette épreuve.
L’accompagnement post-cancer en milieu médical
« Il y a de plus en plus de patients guéris ou en rémission qu’il faut accompagner dans la durée pour prévenir les risques de cancer futur » (Institut Paoli-Calmettes – Marseille)
Aujourd’hui, de plus en plus de gens guérissent du cancer. Et ce sont donc plus en plus de personnes qu’il faut ensuite accompagner par la suite afin de prévenir et réduire les risques de récidives mais également pour aider à mieux vivre son « après cancer ». L’accompagnement post-traitement du cancer a bien évolué depuis quelques années. De plus en plus d’hôpitaux proposent désormais un suivi personnalisé à la fois médical, psychologique et social. Ces suivis s’effectuent généralement sur la durée pendant quelques années après la fin des traitements. En plus de ces suivis, de plus en plus d’ateliers sont mis en place afin d’aider les personnes qui le souhaitent à avancer autrement à travers l’art, le sport ou encore des groupes de paroles.
C’est notamment le cas de l’Institut Rafael à Levallois-Perret. Cette structure a pour but d’accompagner et de veiller sur chaque personne fragilisée par le cancer et s’occuper aussi bien d’elle que de ses accompagnants. Cet institut propose une approche pluridisciplinaire adapté à chaque personne en tenant compte de sa singularité. Le but étant d’accompagner au mieux les personnes pendant et après le cancer. Parmi la longue liste de soins proposés, on retrouve par exemple de l’hypnose, de l’acupuncture, de sexologie ou encore de la naturopathie. Mais également des ateliers d’art thérapie (la danse, la musique, le théâtre l’écriture) pour aider à gérer ou exprimer ses émotions.
Relations personnelles après le cancer
Beaucoup de personnes en rémission ou même guéris parlent d’un sentiment de solitude qui les envahit lorsque les traitements se terminent. Une sensation d’être laissé tomber par un entourage qui était pourtant bien présent au quotidien lorsqu’elles étaient encore sous traitement. Comme s’ils avaient tourné la page sans eux.
Une nouvelle perception de la vie
Il peut également arriver de ressentir une sorte de dissonance, une sensation de décalage entre soi et son entourage. Comme si on ne voyait plus le monde de la même façon et que l’on ne nous comprend plus. Les médecins ont donné un nom à cet événement. Il s’agit du syndrome de Lazare (ou syndrome du survivant). Selon le psychiatre Patrick Clervoy, le syndrome de Lazare pourrait être définit comme : «(…) Un ensemble de manifestations qui opèrent un dérèglement relationnel prolongé entre une personne qui a fait face à une épreuve traumatique et son environnement social, familial et professionnel » (Clervoy 2007). Ce nom a été donné selon l’histoire biblique dans laquelle Jésus ressuscite Lazare mort depuis quelques jours. A son réveil, Lazare se demande pourquoi le monde a autant changé et trouve qu’il est plus menaçant qu’avant alors que c’est lui qui a changé.
Le terme « Syndrome de Lazare » n’est pas spécifique au cancer, il a d’abord été utilisé pour décrire les situations de vie de personnes ayant traversé des épreuves de vie traumatiques durant laquelle ils ont pensé ou pu penser qu’ils allaient mourir. Il a ensuite été adapté au milieu oncologique et à la médecine un peu plus tard.
Dans le cas d’une maladie comme le cancer, certains patients rencontrent des difficultés à se sentir « comme avant ».
Il est tout à fait possible et compréhensible que votre perception de la vie ait changé. Que vous ayez d’autres priorités et que certains détails qui tracasseraient n’importe qui vous semble absurdes ou dérisoires. Vos combats et vos projets de vie ont sans doute également évolué.
Un sentiment de solitude
Il faut se rappeler que la majorité des gens pensent que l’arrêt des traitements est synonyme de rétablissement immédiat, que tout est terminé et que la vie va reprendre comme avant. Pour eux, la personne malade est guérie par conséquent, elle n’a plus besoin d’eux. Ils comprendront peut-être moins facilement que la personne en rémission soit fatiguée ou souffre encore d’effets secondaires. Ils peuvent alors se montrer démunis voire maladroits malgré eux à travers des phrases « bienveillantes » ou « encourageantes » du type : ‘‘Estime toi heureuse’’ ou encore ‘‘Il faut tourner la page’’.
Il faudra aussi parfois faire preuve d’indulgence.
Pour éviter les incompréhensions et/ou les conflits, n’hésitez pas à communiquer avec votre entourage sur ce qu’il vous arrive. N’oubliez pas qu’ils ne savent pas ce que vous avez affronté ni ce que vous vivez encore aujourd’hui. Il est difficile aussi pour eux de se positionner et d’accompagner des personnes qui vivent quelque chose qui nous dépasse. Et c’est surtout valable pour le cancer qui est bien plus qu’une maladie organique à affronter.
Expliquez où vous en êtes par rapport à la maladie et à la rémission et surtout pourquoi ce n’est pas comme avant, ce qui reviendra et ce qui ne reviendra pas. N’ayez pas peur de dire que vous n’êtes pas prêt à faire ou refaire certaines activités. Soyez être honnête sur vos capacités physiques et émotionnelles mais également sur vos peurs et vos besoins. Cela aidera vos proches à se positionner et à savoir comment être là pour vous dans une juste mesure (sans être absents ou au contraire surprotecteurs).
La vie de couple
Le couple peut avoir été délaissé voire malmené durant les traitements contre un cancer. La vie de couple se retrouve chamboulée du jour au lendemain pour se réorganiser autour de la maladie. Il faut maintenant apprendre à se redécouvrir autrement que dans la maladie. Réinventer une nouvelle intimité. Cela passe d’abord par la communication. Une communication bienveillante est essentielle pour apprendre à retrouver sa place au sein du couple, pour partager ses sentiments ou ses besoins et surtout pour voir avec le regard de l’autre.
Et après ?
Réinventer sa vie
Nous l’avons vu tout au long de cet article, il y a bien un avant et un après cancer. Tant sur le plan physique, que social ou encore émotionnel. Votre vie a changé et il faut maintenant la réinventer pour pouvoir avancer tranquillement et planifier un avenir un peu plus chantant. Pour reprendre l’expression du Dr Patrick Ben Soussan – Responsable de l’Unité de Psychologie Clinique de l’Institut Paoli-Calmettes « Il s’agira de donner une nouvelle allure à votre vie » .
Pour cela, vous pouvez procéder par étape, à votre rythme. Car, pour avancer il faut d’abord commencer par accepter de se donner le temps et d’être patient. Tout ne sera pas possible tout de suite. Le mot d’ordre : Faites-vous du bien ! Il faut maintenant prendre soin de vous et privilégier ce qui vous rendra heureuse et ce qui vous aidera à avancer. Cela vous permettra encore plus loin dans vos nouveaux projets et de revoir vos priorités.
Se chouchouter
Pour cela, n’hésitez pas à vous réserver des moments rien qu’à vous en vous offrant par exemple des soins au Spa ou même des séjours en cures thermales. Mais vous pouvez tout aussi bien choisir de changer un peu d’air. De prendre quelques jours de vacances à la campagne ou au bord de la mer seule, en famille, en couple ou entre amis.
C’est également l’occasion de découvrir de nouveaux centres d’intérêt. Vous aviez toujours rêver d’apprendre à danse, à faire de la peinture ou de la musique ? Et si c’était le moment de se lancer ? Vous avez des choses à raconter et l’expression artistique ou corporelle est un bon moyen de lâcher prise et de se vider la tête.
Enfin, vous pouvez aussi juste décider de profiter des petits plaisirs ordinaires du quotidien qui auraient pu vous manquer durant vos traitements. Sortir boire un verre ou aller à une séance de cinéma, refaire du sport, aller au restaurant ou faire des journées shopping.
Mettre des mots sur ses émotions
Parfois, trouver une aide extérieure pourra vous permettre d’y voir un peu plus clair et de faire le point. N’hésitez pas à contacter des associations d’anciens patients ou même des groupes de paroles. Vous pourrez ainsi partager votre expérience et vos ressentis avec des personnes ayant une histoire similaire à la votre. Enfin, n’hésitez pas à demander de l’aide à un professionnel. Un soutien psychologique peut s’avérer bénéfique pour faire le point et prendre du recul. Certains hôpitaux proposent des suivis avec des psychologues pendant la période qui suit la fin des traitements. Mais vous pouvez également choisir de consulter un psychologue en libéral si vous souhaiter changer du contexte hospitalier.
(Ré)Organiser la vie quotidienne
Votre vie quotidienne a été bouleversée pendant les traitements et il est temps maintenant de la réorganiser à votre manière. Vous pouvez choisir de continuer comme avant avec les habitudes dans lesquelles vous vous sentez bien et en sécurité ou au contraire de tout chambouler et de trouver un nouveau rythme.
Cependant, les médecins recommande d’intégrer certaines habitudes à sa nouvelle hygiène de vie afin de prévenir les risques de récidives. Par exemple, surveiller son alimentation pour éviter la prise ou la perte de poids ou encore faire une activité sportive.
La vie après un traitement contre le cancer
https://www.huffingtonpost.fr/marie-semidei/temoignage-cancer-du-sein_b_5906658.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Lazare
Cavro, É & Bungener, Catherine & Bioy, Antoine. (2005). Le syndrome de Lazare: une problématique de la rémission. Réflexions autour de la maladie cancéreuse chez l’adulte. Revue Francophone de Psycho-Oncologie. 4. 74-79. 10.1007/s10332-005-0059-1
Institut National du Cancer. (2007) Vivre pendant et après un cancer : Guide d’information à l’usage des personnes malades et de leurs proches